Portfolio - Série d'Auteur
Entre deux lieux, entre deux gestes, un regard suspendu.
Le voyage est là, dans l’image qui survient sans prévenir.
Portfolio - Série d'Auteur
Une série ne se résume pas à un alignement d’images. Elle naît d’un fil conducteur, d’une obsession visuelle, d’un point de vue affirmé.
Il peut s’agir d’un lieu, d’une couleur, d’un geste, d’un doute… Peu importe la forme, du moment qu’elle raconte quelque chose — ou qu’elle laisse au regardeur la place d’y entrer.
Chaque série présentée ici est née d’un besoin de creuser un sujet. Certaines se sont imposées sur le terrain, d’autres sont le fruit de réflexions plus lentes, nourries par le temps, par les voyages, ou par des rencontres inattendues. Il y a aussi des inspirations absurdes, des envies décalées, parfois de vrais détours — mais toujours avec une volonté de faire image autrement.
Ces séries ne cherchent pas à répondre à des critères, elles posent simplement une proposition visuelle, un regard, un rythme.
C’est un terrain d’expérimentation. Un espace libre. Là où la photographie quitte le métier pour retrouver l’élan de l’auteur.
Série - Renaissance
Dans cette série réalisée pour une exposition à la Médiathèque de Rueil-Malmaison, j’ai voulu mêler la photographie et la création numérique à mes souvenirs d’enfance dans les jardins du Château de Versailles. Ces statues de marbre, figées, m’ont toujours interrogé : qui étaient ces femmes ? Ces hommes ? Et s’ils pouvaient revenir à la vie ?
Avec Renaissance, j’imagine ce moment suspendu où la pierre se fissure, où un souffle traverse la matière. La pose figée se libère. Le modèle sculpté devient chair, mouvement, personnage. Ce n’est plus une statue, c’est un être qui renaît.
La photographie devient alors une passerelle entre les âges. Elle réveille l’oubli. Elle interroge la mémoire des corps figés. Elle questionne notre rapport à l’immortalité : ce que l’on fige pour toujours, est-ce encore vivant ? Et si l’éternité passait par le retour à la fragilité ?
Il y a dans chaque image un éclat. Un frisson. Quelque chose qui échappe à la froideur du marbre. J’ai travaillé chaque tableau comme un instant d’explosion contenue. Le corps émerge de la pierre, comme une idée prête à naître.
Cette série a marqué un tournant pour moi. Elle a été récompensée par une 2e place régionale au concours Auteur de la FPF. Mais surtout, elle a été le début d’une écriture plus personnelle, plus philosophique.
Renaissance, ce n’est pas un retour. C’est une traversée.
Série - Les Lumières intérieures
Cette série est née au lendemain du confinement. Lorsque les rues se sont de nouveau éclairées. Lorsque les bureaux ont rouvert, timidement, dans le silence. J’ai commencé à photographier les intérieurs depuis l’extérieur. De nuit. À travers les vitres. Comme un témoin invisible.
Ces images sont peuplées de lueurs froides ou chaudes. D’espaces vides ou habités par une silhouette isolée. Elles racontent un monde suspendu, à mi-chemin entre l’absence et le retour. L’étrange beauté d’un bureau éclairé sans personne. Le mystère d’un homme seul, debout dans la lumière.
Il y a dans ces tableaux une influence d’Edward Hopper, bien sûr. Mais aussi un regard sur notre époque. Sur ce que nous avons traversé. Ces lumières intérieures sont autant de métaphores : elles évoquent la solitude, la persistance, l’humain encore là, même quand tout semble figé.
C’est une série sur le visible et l’invisible. Sur ce qui reste, quand tout s’éteint autour. Et sur cette fragile lumière intérieure que chacun tente de garder vivante.
Série - Laissez-vous rêver
Cette série a pris naissance dans un train, quelque part en France. Tout commence par un mot inscrit sur la vitre : « Laissez-vous rêver ». Un message apposé par la SNCF, qui devient le titre de la série. Mais aussi une invitation. Celle d’un film intérieur qui commence au moment où le train traverse le pays.
La vitre devient écran. Le voiture du train, salle de projection. Et le paysage, narration en mouvement. Les premières images dévoilent des gares taguées, des murs usés, des rails croisant d’autres trains en sens inverse. Puis viennent les cultures, les ombres projetées sur les champs, les zones industrielles qui bordent les voies. Et les villages, suspendus dans leur routine.
Dix images, présentées en diptyques, comme des haltes mentales. À chaque tableau, un fragment : une silhouette inconnue, un reflet flou, un champ traversé par une ombre. On regarde sans attendre. On voit sans chercher. La vitesse agit comme un filtre. Elle brouille, fragmente, révèle.
Chaque diptyque construit un rythme, une tension entre l’ici et l’ailleurs, entre ce qui défile et ce qui reste. Ce n’est pas un journal de bord. C’est un regard. Un glissement. Un état de présence.
La dernière image me représente, dans le reflet de la vitre.
Appareil à la main, presque absorbé dans le décor. Ce n’est pas une signature. Plutôt un rappel : celui qui regarde est aussi en mouvement. Comme les paysages. Comme la mémoire.
« Laissez-vous rêver », c’est une traversée.
Pas une destination. Un instant entre deux lieux, deux pensées, deux images. À la fois documentaire et introspectif. C’est le rêve discret d’un passager sans fenêtre, offert à tous ceux qui prennent le temps de voir.
Série - Les maisons de poupées
Cette série est née d’une proposition de Mathilde, modèle et co-autrice du projet. Elle m’a invité à découvrir un univers aussi délicat que surprenant : les maisons de poupées qu’elle fabrique de ses mains. Un jardin japonais, une maison victorienne… Chaque décor, minutieusement reconstitué, devient le théâtre d’un récit photographique à la fois drôle, critique et symbolique.
Nous avons mis en scène Mathilde à l’échelle de ses propres maquettes. Elle y rejoue des scènes du quotidien inspirées de la place des femmes dans deux civilisations très codifiées : le Japon ancien et l’Angleterre victorienne. Tour à tour maîtresse de maison, servante, épouse ou lectrice en retrait, elle se glisse dans les rôles avec une dose d’humour grinçant.
À travers ces tableaux, on interroge le statut social, les conventions, les tâches invisibles. Mais toujours avec légèreté. Le décalage entre la précision des décors miniatures et l’humanité du personnage donne à chaque scène une dimension presque théâtrale. C’est un jeu de mise en abîme, entre réel et maquette, grandeur et absurdité.
Une série ludique, mais jamais naïve. Où la photographie devient un outil de mise en scène sociale et poétique.
Série - Les maisons de poupées
Cette série a été réalisée à un moment où le monde entier avait changé de rythme. Un instant suspendu. L’impression étrange d’un film en pause. Dans les rues désertes de Paris, l’histoire s’écrivait à bas bruit.
Les Champs-Élysées sans voitures. La Concorde sans foule. Le Panthéon sans touristes. Les façades fermées des commerces. Et dans les appartements, des silhouettes apparaissant aux fenêtres comme des personnages de théâtre figés.
Mais plus encore que l’absence, ce sont les nouveaux signes qui m’ont interpellé. Ces flèches au sol, ces ronds espacés pour faire patienter, ces bandes rouges interdisant un siège, ces pictogrammes de masques devenus presque ordinaires. Une signalétique devenue langage de contrôle. L’espace public redessiné, au nom d’un impératif sanitaire. L’individu fragmenté, tenu à distance.
Cette série parle de la liberté. De sa suspension. Du lien social devenu regardé, surveillé, distancié. Des corps qui s’évitent. Des gestes empêchés. Et du basculement discret mais radical vers un monde où l’échange se fait par écran interposé. Télétravail, visio, réseaux… une société devenue interface.
Il y a, dans ces images, à la fois un vide et un trop-plein. Le vide des rues. Le trop-plein de symboles, de barrières, de silences. Une ville qui respire autrement. Et ce vertige : celui d’un retour à l’extérieur qui n’est plus tout à fait une sortie. Mais une sortie conditionnelle.
Déconfinement, c’est un mot ambigu. Il sonne comme une délivrance, mais cache une transition. Cette série, je l’ai pensée comme une mémoire. Pour ne pas oublier. Pour questionner. Pour se souvenir qu’un jour, même la liberté a été balisée au sol.